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GUY DE MAUPASSANT

« Je suis sûre, monsieur de Maupassant, dit-elle, que vous connaissez quelque chose sur le baiser de ces puissants éléments. — Bien peu, madame, répondit l’auteur d’Une Vie, et je le déplore dans ce cas qui paraît vous intéresser. Mais sur l’art du baiser, de l’amour, si vous préférez, voyez ce que nous dit Michelet sur les habitants des mers et aussi certains végétaux, ils savent se donner des félicités bien au-dessus de tout ce que… »

La dame ne le laissa pas achever ; elle lui prit précipitamment le bras et ils allèrent à l’autre bout du bateau achever leur conversation, au grand désappointement des autres invités qui voulaient aussi entendre la fin de l’explication.

Il y eut des récriminations, on les obligea à revenir ; ils riaient tellement tous deux qu’il fallut presque les porter pour les ramener à leurs places, mais il fut impossible d’obtenir le moindre éclaircissement sur la définition du Baiser et de l’Amour.

Tout redevint silence quand une autre belle dame se mit à dire tout le bonheur et le bien-être qu’elle éprouvait dans cette charmante promenade sur l’eau, par cette soirée sereine, avec des amis et des amies aussi gais : « Il me semble que j’y resterais volontiers toute la nuit, en souhaitant même qu’elle se prolongeât indéfiniment. »

Alors mon maître lui dit : « C’est un plaisir que j’ai souvent savouré. Que de fois l’aube m’a surpris sur ce beau fleuve, par là, du côté de Chatou ! — Pas seul, j’espère ? » interrogea la dame avec une certaine vivacité… Monsieur ne répondant pas, toutes les femmes, en chœur, le sommèrent de s’exécuter. Mais celui qui a écrit Au bord de l’eau, ce poème vécu et d’une si grande