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il enfonçait les mains dans ses poches, comme il a l’habitude de le faire quand il est seul et qu’il se promène à travers l’appartement, cherchant à mettre au point une phrase qui ne prend pas la forme qu’il veut.

Le chef d’orchestre fait de son mieux pour remettre encore une fois sur pied tout son monde. Quelques-unes de ces dames sont sur les divans et les canapés, perdues dans les coussins, d’autres par terre, assises sur la grande peau d’ours blanc ou accroupies sur les tapis. Les musiciens essayent tant bien que mal de mettre leurs instruments d’accord ; on arrive tout de même à jouer un dernier morceau. Mais quelle cacophonie ! Chacun allait à sa guise ; je ne puis dire l’aspect étrange produit par tous ces gens avec leurs costumes différents qui s’agitaient dans des postures désordonnées ; on aurait volontiers pensé à une réunion de fantoches s’agitant dans un mêli-mêlo fantastique. Une dernière fois on les rafraîchit, mais je ne leur donnai que de l’orangeade. Enfin, l’heure des adieux arriva. Il fallut tout le sang-froid du guide pour organiser le départ ; ce fut long, il y en avait toujours qui n’étaient pas prêts, car tous avaient perdu quelque objet plus ou moins important de leur costume. Ma petite aimée ne manqua pas de venir me dire au revoir, car elle persistait à me prendre pour un invité, parce que j’étais en habit et cravate blanche.

Quatre voitures étaient à la porte, tout le monde y fut bientôt monté. En ce moment, je ne sais si le guide se trompa ou si ce fut moi qui compris mal les indications données ; toujours est-il que les huit personnes, qui devaient aller 52, boulevard Latour-Maubourg, furent conduites 72, boulevard Voltaire, pendant que