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lâchait pas ; elle était, ma foi, très gentille avec sa petite figure ronde et brune, ses beaux yeux veloutés. Seulement je ne sais si elle avait eu chaud, mais une odeur fade, sauvage, plus écœurante qu’appétissante, se dégageait de sa poitrine presque entièrement découverte, ornée seulement d’un collier de sequins qui, à chaque mouvement de tête, rendait un son de ferraille. Il y avait douze femmes et quatre hommes, plus leur barnum.

Dans le salon, elles paraissent gênées, tournant sur elles-mêmes, se prenant les pieds dans les tapis et dans le bas de leurs robes qu’elles portaient longues, aussi bien par devant que par derrière, et avec une ampleur telle qu’on aurait pu croire qu’elles avaient des crinolines. Les présentations finies, leur guide les fit asseoir tous en rond et ils commencèrent leurs boum-boum de musique, chants et cris. Après le premier morceau, on les fit passer dans la salle à manger, pour prendre des gâteaux et boire du champagne.

Ce bon vin de France leur fut offert comme étant une boisson spéciale fabriquée à leur intention, car au vin, même le plus fin, Mahomet leur interdisait de goûter et ils ne voulaient pas lui désobéir. Après chaque danse ou morceau de musique, on les rafraîchissait toujours d’un ou deux verres de champagne.

Elles voulaient toutes maintenant faire la danse du ventre, même les plus âgées. Alors ce fut un sabbat de tous les diables, c’était à qui produirait les contorsions les plus agiles et vraiment les plus extraordinaires. Ce n’était plus intéressant, du reste : c’était vu de trop près ; enfin l’on en était arrivé au point que les acteurs s’amusaient plus que les spectateurs. À chaque instant mon maître quittait le salon et allait dans sa chambre jusqu’à la serre, accompagné d’une invitée et, tout en marchant,