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avons, mon frère et moi, vient, m’a dit ma mère, de ce que le vieux médecin, qui nous a reçus à notre arrivée dans ce monde, nous a aussitôt pris entre ses genoux, nous a fortement massé la tête, en finissant par le geste du potier qui arrondit son pot d’un coup de pouce fin. Puis il dit alors à ma mère : « Vous voyez, madame, je lui ai fait une tête ronde comme une pomme qui, soyez sûre, donnera plus tard un cerveau très actif, et presque sûrement une intelligence de premier ordre. » Il fit la même chose à mon pauvre frère ; mais, soit que les six années qui nous séparaient eussent fait mollir les mains du docteur, soit qu’il fût moins bien disposé, il n’arrivait pas à lui donner la forme qu’il voulait. Elle glissait toujours cette petite tête, elle lui échappait et il en était si contrarié qu’il laissa échapper un juron normand !… Je me demande parfois si c’est le massage de ce bon vieux docteur sur mon jeune cerveau, en le pétrissant d’une certaine manière, qui me permet de donner si facilement aujourd’hui un travail au-dessus de la moyenne. »