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les mains de ces écumeurs de côtes, plutôt que d’en venir à des extrémités qui auraient pu être fâcheuses. Quel soupir de soulagement nous avons poussé, lorsque nous nous sommes retrouvés à bord de notre bateau ! Nous étions bien guéris de l’envie d’aller à terre. » Mon maître l’écoutait très attentivement, car lui aussi avait l’idée bien arrêtée de parcourir prochainement les côtes du Maroc avec son Bel-Ami.

On venait de parler de la Grèce ; une de ces dames, qui avait quelques notions des langues anciennes, amena la conversation sur ce sujet. Elle ne se doutait pas qu’à ses côtés se trouvait une personne, Mme de Maupassant, qui possédait les connaissances les plus étendues sur ces langues. Une discussion s’engagea sur la formation de quelques mots français venant du latin et dont l’origine première remonte à la langue grecque. Mais cette dame n’alla pas loin, car Mme de Maupassant lui donna les dates, les noms des auteurs, et cita les parchemins sur lesquels avaient été inscrites les transmissions de ces mots d’une langue à une autre, avec une précision qui étonna toute la société.

Il aurait fallu un professeur émérite, plein de savoir, pour pouvoir donner une leçon à Mme de Maupassant, qui semblait toujours ne pas y toucher, mais qui savait tout, tout, surtout en ce qui concerne les langues ; elle les parlait presque toutes avec une aisance qui pouvait laisser croire qu’elle était née aussi bien sur les bords de la Tamise que sur les rives du Tibre.

Du reste, elle était très connue dans le monde des grands docteurs polyglottes et ceux d’entre eux qui venaient à la côte d’Azur, ne manquaient pas de venir rendre visite à Mme de Maupassant. Par nature, Madame aimait la retraite, la tranquillité, elle ne voyait de