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partie de Suisse est jolie, quand on suit les montagnes et les lacs jusqu’au mont Rose en Italie… J’ai fait ce voyage, il y a plusieurs années, je connais toute cette région. Ce fut même là que dame Destinée décida de ma vie et fit de moi un célibataire. Je faisais l’excursion en compagnie de toute une famille ; celle qui devait être ma femme était au nombre des touristes et je ne sais pourquoi, par quelle circonstance, une autre femme, une étrangère pour ainsi dire, se glissa parmi nous. Ce fut la mort de notre union projetée… Car, malheureusement, il en est presque toujours ainsi dans notre vie de misère, la femme honnête est souvent la dupe de l’intrigante… Parfois je me demande si ce mariage n’eût pas été pour moi le bonheur, car je connaissais très bien cette jeune personne, douée d’un bel esprit, large et généreux, très instruite ; la vie m’eût été agréable à ses côtés, elle avait tout ce qu’il fallait pour me seconder en mon œuvre… Mais le destin !… »

Après un moment de silence. Monsieur se met à me décrire toutes les montagnes qui se trouvent de l’autre côté du petit lac du Bourget. Subitement, il s’arrête : « Je me rappelle que je dois aller à Marlioz ; j’y vais de ce pas. Vous rentrerez par le chemin que vous avez pris pour venir. »


La dernière semaine de notre séjour à Aix est commencée. M. de Maupassant me demande si je suis allé à la Villa des Fleurs. Je réponds négativement : « Ah ! me dit-il, il faut y aller ; tenez voici des entrées, et faites bien attention à tout ce que vous verrez : les femmes, les jeux, les petits chevaux, le va-et-vient du public et l’organisation de l’établissement en général. » Je remercie et me retire dans la cuisine, d’où j’entends