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M. de Maupassant reçoit un mot charmant de M. Gounod, qui lui renouvelle sa demande déjà faite, dans un salon, de bien vouloir lui écrire quelque chose, pour qu’il le mette en musique. Mon maître me dit : « Je ferais peut-être bien, c’est un si grand artiste !… »


Dans notre nouvelle installation à Aix-les-Bains, mon maître et sa mère prennent leur déjeuner de midi dans un petit salon du rez-de-chaussée qu’on a aménagé en salle à manger. Cette pièce est meublée d’une commode empire, aux cuivres très fins qui sert de dressoir ; le service du buffet se fait sur une console régence avec sa belle dorure patinée et franche de l’époque.

La porte vitrée qui sert en même temps de fenêtre est toute grande ouverte. Monsieur est assis en face, il a devant lui une superbe corbeille de géraniums rouges bordée de plantes grasses de coloris différents, puis une ravissante plate-bande de rosiers et des arbustes aux feuilles panachées blanches et violettes. Cet ensemble de fleurs et de verdure donne une note très gaie à ce jardin, on pourrait se figurer que la petite salle à manger a été assortie pour former l’ensemble de ce cadre charmant. Monsieur paraît si heureux d’être seul avec sa mère ! Ils parlent haut, selon leur habitude dans l’intimité ; chacun d’eux sait que son partenaire est intelligent, ils ont l’un dans l’autre une confiance illimitée, mais ils aiment beaucoup la discussion, et ils finissent presque toujours par un accord parfait.

Aujourd’hui, ce qui domine dans leur conversation, c’est la grande affection dont leur cœur est plein ; ils sont si heureux que je m’en sens tout impressionné. C’est si noble, l’amour maternel ! Cela me fait penser une