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Enfin Mme la princesse *** et M. Alexandre Dumas fils, les deux personnes les plus marquantes de la réunion, imposèrent le silence, et il fut convenu qu’on ne parlerait qu’une personne à la fois, afin de se comprendre.

M. Dumas dit alors quelques drôleries de son cru. Derechef tout le monde était emballé, on ne s’entendait plus. Il y eut un nouveau rappel à l’ordre, ce fut Son Altesse qui prit la parole ; stimulée, sans doute, par ce que venait de dire M. Dumas, elle partit sur un sujet un peu scabreux. Mais on était chez un garçon, il fallait s’amuser.

Plusieurs de ces dames ne tenaient plus en place, elles passaient en revue tous les objets qui garnissaient la salle à manger ; l’une d’elles fit remarquer la pose majestueuse d’un coq gaulois qui ornait une assiette en vieux Rouen. Une autre voulut absolument savoir le pourquoi et la signification de la portière de harem qui fermait la salle à manger. Mon maître, mis en demeure de répondre, se déroba en riant…

Ce fut le comble lorsqu’elles découvrirent sur la cheminée un éléphant et ses petits en porcelaine, ainsi qu’un gros porc avec sa compagne et leur progéniture. Chacune d’elles avait pris un objet, le retournait en tous sens, et le brandissait à bout de bras en l’air ; elles exigeaient que M. de Maupassant leur donnât la raison de la présence de ces objets chez lui… Monsieur essayait de s’expliquer, mais il ne pouvait arriver à se faire comprendre, car toutes parlaient à la fois, et chacune voulait une explication particulière ; elles l’entouraient, formant une grappe serrée ; il était absolument pris d’assaut.

Son Altesse et M. Dumas ne se tenaient plus de rire ; ils passèrent dans le salon ; l’essaim les suivit…