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de ville avec ces mélanges de races et de coutumes !… Nous y reviendrons plus tard passer quelques mois, car je veux tirer un roman intéressant de ce fouillis ; il sera amusant à écrire et d’un haut comique… »


6 janvier 1888. — Le jour de notre départ est arrivé. La propriétaire de l’appartement vient faire l’inventaire, je lui dis que tout ce que nous avons acheté va lui rester, meubles, ustensiles de cuisine… Elle rougit un peu, et me demande s’il ne serait pas indiscret de demander à remercier M. de Maupassant. Je la présentai à mon maître, qui s’inclina très bas devant cette dame, veuve d’un officier espagnol ; elle était très belle…

Pour le voyage à la gare, j’avais mes deux porteurs, plus le blanchisseur et un délégué du boucher. Les bagages enregistrés, je me tenais un peu à l’écart avec tout ce monde, mon maître était au milieu de la salle, entouré d’une vingtaine de personnes, tant civils que militaires ; plusieurs officiers voulaient l’accompagner jusqu’au petit bateau qui part de la Goulette pour transporter les voyageurs à bord du transatlantique mouillé au large…

Ce paquebot qui doit nous conduire à Marseille en trente-six heures est le Moïse. Tous nos colis sont en place… Mon maître parle au capitaine qui se trouve sur la passerelle. Il est 6 heures du soir, nous sommes en pleine mer, la terre a complètement disparu. Du reste, il fait nuit, je marche sur le pont ; mon maître m’y rejoint. Il me dit : « Ces officiers et ces compatriotes qui habitent Tunis ont été pour moi d’une très grande amabilité que je crois franche, mais que je trouvais par moment tout de même un peu exagérée ; j’oubliais qu’on doit toujours faire la part des choses et que loin