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des mieux installés avec douches et bains de vapeur, le tout très bien compris. Il en parut très content : « Voilà une très bonne chose. Et maintenant, c’est un appartement qu’il me faut, car je ne pourrai jamais travailler dans cet hôtel. Bien entendu, je ne veux, à aucun prix, habiter la ville arabe. Donc, voyez ce que vous pourrez trouver dans la ville française. »

Après bien des recherches, je pus enfin, par l’intermédiaire d’un juif, avoir un logement convenable sur l’avenue de la Marine ; c’était bien ce qu’il nous fallait. Mais la première nuit, mon maître eut froid. Ici, le cas devenait embarrassant ; il n’y avait pas de cheminée, pas plus du reste que dans aucun des autres appartements que nous avions visités. Monsieur s’en montra très contrarié : « Pensez, François, que là, sous cette terrasse, il ne fait pas chaud, l’humidité de la nuit me tombe sur la tête. » Je compris qu’à tout prix il fallait du feu ; alors je dis : « Il est 7 heures et demie, dans deux heures, il y aura ici un bon feu dans la salle à manger. » En effet, avant 10 heures, un poêle ronflait à la place indiquée, et, comme une petite machine à vapeur, crachait sa fumée au-dessus de la terrasse.

Quelques jours se passèrent, mon maître paraissait content. Un jour, en déjeunant, il me loua beaucoup l’établissement de bains : « Leurs douches sont très bien données. Hier, j’ai pris un bain de vapeur excellent, suivi de massage. Ce nègre masseur est extraordinaire et d’une force incroyable, genre Kakléter. Il vous tourne et retourne sur la table, comme si l’on n’était qu’un petit enfant. Il fait faire aux membres des jeux à croire qu’il va vous les détacher et cela, avec une douceur parfaite, sans vous faire aucun mal ; pour finir, il saute sur la table, vous prend les jambes et vous glisse son talon,