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le bras. Il me dit de rentrer dans le salon, ce que je fis. Mon futur patron me demanda alors mes conditions et ma manière de voir. En deux minutes ce fut fait. Le monsieur maigre, se tournant vers son ami, fit un grand signe de tête approbatif.

« Quand pouvez-vous venir ? » demanda M. de Maupassant. « Quand Monsieur voudra. — Eh bien, venez demain matin à 8 heures. » Et comme je tirais un certificat de ma poche, il ajouta, avec un geste de refus : « Inutile, si vous faites mon affaire, je le verrai bien. »

Il eut un sourire et un petit signe de tête à l’adresse de son compagnon, qui était son cousin M. Le Poitevin.

Je rejoignis mon tailleur, m’excusant auprès de lui de ne pas avoir voulu accepter une livrée. Il me souhaita bonne chance et me serra la main.

Le lendemain, à midi, je servais le déjeuner.

Mon maître me dit : « Voulez-vous venir passer quelques jours à ma campagne ? » Je répondis : « Mais oui, Monsieur. — Eh bien, nous prendrons le train de 8 heures après-demain matin. La cuisinière, qui a fait la dernière saison chez moi, est toujours là ; elle vous initiera à mes goûts. »

Le 4 novembre, à 11 heures du matin, nous débarquions à la gare la plus proche de sa maison ; nous avions encore environ quinze kilomètres à faire en voiture.

Un coupé à deux chevaux nous attendait… Comme je donnais un coup d’œil aux deux carcans, qui me faisaient pitié, M. de Maupassant me dit : « Dans ces pays-ci, tous les chevaux sont couronnés ; cela tient aux fortes côtes. » Je pensais que cela devait tenir aussi aux médiocres qualités des cochers…

Sur la route, qui était bonne, nous roulions vivement. Monsieur avait étendu ses pieds contre l’avant du coupé.