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Le soir, en dînant, M. de Maupassant me dit : « Vous savez, vous aviez raison, vous ne vous êtes pas trompé, c’était bien un tremblement de terre. L’appareil du cercle des officiers a enregistré, à midi cinquante-six minutes, trois oscillations de plusieurs secondes, allant de l’Est à l’Ouest. » Il ajouta : « Je suis heureux d’avoir rencontré ici tous ces officiers, leur société m’est très agréable ; tous sont des hommes charmants, bien élevés, instruits, même quelques-uns sont assez forts en littérature. Quoique nous soyons en terre française, il y a la Méditerranée entre nous et la mère patrie, cela suffit à nous donner la sensation d’être en pays étranger, surtout lorsqu’on voit tous ces Arabes circuler dans les rues et qu’on entend leur charabia. On est dépaysé, et cela réconforte de trouver de vrais Français qui parlent notre langue, comme à Paris. Si l’on écoutait bien, je crois qu’on entendrait leur cœur battre quand on parle des boulevards et de la Maison Dorée. Jeudi j’aurai plusieurs de ces officiers à déjeuner avec M. Masqueray et M. Bureau. »


Le 14 octobre, Monsieur me dit : « François, demain je vais avec M. Masqueray faire un tour jusqu’à la pointe du cap Matifou. Voulez-vous venir avec nous ? Peut-être n’aurez-vous jamais pareille occasion… Vous prendrez mon fusil avec quelques cartouches, de différents plombs. Si je peux abattre quelques oiseaux, cela me sera toujours agréable. »

Nous partons par le train de 5 h. 48 du matin. Dès notre sortie d’Alger, nous apercevons la mer phosphorescente, superbe ; quelques minutes après, le soleil, semblant faire un grand effort, laisse voir là-bas, entre l’horizon et l’eau, une toute petite partie de son disque, qui embrase immédiatement la mer. Un quart d’heure