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sommes descendus au grand hôtel de l’Oasis sur le port.

Le lendemain, à 9 heures, Monsieur était déjà prêt à sortir : « Voici, François, ce que j’ai décidé. Comme je ne pense pas travailler à l’hôtel, je vais prendre un appartement pour être tranquille chez moi. Vous allez, je vous prie, voir dans le quartier, si vous trouvez quelque chose qui nous convienne ; moi, je vais visiter Mustapha, que je connais, et si je trouve une petite villa ou un étage qui réponde à ce que je veux, je demanderai à ma mère de venir ici passer l’hiver avec moi. »

Enfin, c’est rue Ledru-Rollin que nous avons fini par prendre un appartement, après en avoir visité plusieurs, et vu bien des loueuses, algériennes, arabes, mauresques et juives aux grands yeux de velours.

Ce logement, quoique ayant deux pièces au Midi, n’était pas gai ; son seul avantage était d’être près de la poste. Nous habitions le troisième, il fallait un porteur d’eau ; je pris celui que m’envoya la concierge, il était petit et maigre, un vrai Biskri, pieds et jambes nus, borgne de l’œil droit ; son œil gauche était tellement mobile et fuyant que je ne pus jamais en voir la couleur. Je fis les conditions à tant la semaine et lui accordai une bonne moyenne, un prix de voyageur. En signe de contentement, sans doute, il se mit à battre de ses doigts maigres la cruche de cuivre qu’il tenait sous son bras.


Le 11 octobre, à une heure, je finissais de déjeuner, seul comme toujours, devant ma petite table de bois blanc adossée au mur, quand mon attention fut attirée par la danse qu’exécutait mon café dans mon verre ; j’allai tout de suite le dire à Monsieur, lui donnant des détails précis qui ne laissaient pas de doute sur l’existence de secousses sismiques.