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monde à dîner à la Guillette. Parmi les habitués, je remarque une grande dame aux cheveux blancs ; son teint laisse penser qu’elle a dû être brune… Elle s’appelle Mme Pasca, « une grande artiste », me disait mon maître. C’était certainement une personne tout à fait supérieure, pleine de bon sens, intelligente. Quel plaisir de l’entendre parler ; elle tenait tous ses auditeurs sous le charme de ses paroles dites si posément et avec tant d’à-propos… Elle fut une excellente conseillère pour Monsieur, qui, lui, avait pour elle une considération illimitée…


En août, Piroli a eu encore des petits. Les suites furent mauvaises, Monsieur fit venir le vétérinaire de Criquetot qui rédigea une très longue ordonnance. Quand il eut fini de nous expliquer comment nous devions nous y prendre pour soigner la pauvre bête, il ajouta : « Vous savez, Monsieur, que les chats sont nerveux ; par suite il est très difficile de leur donner les soins que nécessite leur état. » Nous avons fait l’impossible ; malgré cela, la petite chatte rendit son dernier soupir le 15 septembre, sur mon lit, dans la caloge.

Ce jour-là mon maître était allé à la chasse à Sainte-Hélène chez M. Arroux. Quand il arriva le lendemain matin, je lui appris la triste nouvelle. Il vint voir la chatte dans la salle de bains où je l’avais gardée et me demanda si elle avait beaucoup souffert ; il voulut des détails sur les derniers moments. Je lui dis qu’ils avaient été pénibles, la pauvre petite se roulait en gémissant et se cramponnait à moi, comme pour me demander secours…

De Piroli nous restait un souvenir vivant, la petite Pussy ; elle fut confiée à la femme chargée de garder l’appartement pendant le voyage que nous devions faire en Afrique.