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Voici maintenant la lettre des colons de Saint-Jean-Baptiste, de Saint-Joseph et de Saint-Pie :


M. Élie Tassé.

Monsieur,


Nous apprenons avec plaisir que vous préparez une brochure en faveur de la colonisation à Manitoba. Nous ne saurions trop vous louer d’une aussi bonne œuvre et nous osons espérer qu’elle sera bien appréciée par nos frères des États Unis. En effet, nous serions si heureux de voir tous les Canadiens parfaitement renseignés sur les avantages qu’offre notre jeune province ! Un mot résumant notre position ou faisant connaître les progrès opérés depuis notre arrivée à Manitoba, ne vous serait peut-être pas désagréable.

Arrivés à Manitoba en juin 1875, nous trouvions de vastes prairies, d’excellentes terres, mais quelques colons métis et anglais seulement disséminés le long de la rivière Rouge. Pour nous, deux townships nous étaient réservés, mais à plusieurs milles à l’intérieur (c’est-à-dire loin des cours d’eau) ; et plus d’un ancien colon nous trouvait téméraires de nous aventurer ainsi dans une localité qu’on croyait devoir être pour toujours le royaume exclusif des loups, renards et autres individus de même espèce.

Cependant, le croiriez-vous ? aujourd’hui, grâce à l’activité de notre dévoué agent, M. J. E. Têtu, et des amis qui s’intéressent à la colonisation, il ne reste que bien peu de lots inoccupés dans la partie que nous habitons. Il ne manque pas sans doute de place pour de nouveaux colons ; on peut en établir des milliers, mais il faut s’éloigner un peu.

Pour ne pas être trop long, nous nous bornerons à vous dire, qu’en 1876, la partie que nous habitons était connue sous le nom de Sainte-Agathe et ne renfermait que vingt-cinq à trente familles catholiques. À présent, ce même territoire comprend Saint-Jean-Baptiste, qui contient cent vingt familles ; Saint-Joseph, qui en compte quatre-vingts, et Saint-Pie, cinquante, ayant chacune un curé respectif (nous ne parlons que de nos coreligionnaires). Il y a cinq écoles françaises catholiques, une compagnie d’infanterie, une société de Saint-Jean-Baptiste, etc., etc.

Et quant à notre position, nous souhaiterions voir tous nos amis des États-Unis et d’ailleurs contempler nos maisonnettes, nos champs de blé, nos troupeaux relativement nombreux et cette bonne gaieté française rayonnante sur tous les fronts. Oui, monsieur, nous sommes heureux de nous trouver réunis, sans entrave aucune, autour de nos modestes chapelles, comme nous l’étions autrefois autour des clochers qui nous ont vu naître.