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Nous devons ajouter que ceux qui furent l’objet de cette bienveillance toute fraternelle n’ont pas manqué de le reconnaître hautement et publiquement. Aujourd’hui, l’accueil est aussi cordial, aussi hospitalier que par le passé. Tout le monde rivalise de zèle pour renseigner les nouveaux venus sur ce qu’il leur importe de savoir, et pour les diriger là où leurs aptitudes ou leurs moyens semblent les appeler.

Mais nous sommes déjà bien loin de la question que nous nous étions posée tout à l’heure : revenons y-donc. À quelques exceptions près, nos compatriotes ont réussi, en peu de temps, à améliorer beaucoup leur état. Il a fallu, sans doute, de la volonté et de l’énergie ; car tous les débuts sont difficiles. Mais le courage qui ne se rebute pas au premier obstacle, le travail qui persévère, finit par triompher.

À l’appui de ces observations qui s’appliquent au Nord-Ouest canadien avec plus de force, croyons-nous, qu’aux autres pays, il serait facile de citer une foule d’exemples. Nombre de nos nationaux qui n’avaient, de fait, rien ou presque rien à leur arrivée à Manitoba, ont déjà acquis une honnête aisance. La plupart sont aujourd’hui les propriétaires de belles et grandes fermes, dans les townships qui leur furent réservés, ou dans les paroisses situées le long des rivières, et les autres exercent leur industrie dans les villages et les villes — à Winnipeg, à Saint-Boniface et ailleurs. Et c’est là, pourtant, l’œuvre de trois ou quatre années de labeur.

Aussi, demandez à ces hommes que la fatigue n’effraie pas, que les sacrifices mêmes ne découragent pas, s’ils regrettent leur départ des États-Unis. Demandez-leur s’ils voudraient, maintenant, retourner à l’usine, pour s’y assujétir de nouveau à un travail mercenaire et ingrat. Demandez-leur, enfin, s’ils n’aiment pas mieux retirer du sol le pain qui nourrit leur famille, dont la santé se ranime au souffle vivifiant de la prairie et loin de l’atmosphère empestée de la fabrique.

Presque tous vous répondront que la vie dont ils jouissent à Manitoba est mille fois préférable à l’existence, si souvent pénible, qu’ils traînaient à l’étranger. Nous disons presque tous ; car il n’est pas possible d’imaginer un coin du globe — fût-il le plus beau, le plus fertile, le plus largement doué par la nature — qui convienne à tout le monde indistinctement. On a pu, d’autre part, se faire illusion et penser qu’il suffisait de se rendre à Manitoba pour y devenir riche sans aucun effort. Cette étrange méprise nous expliquerait, alors, les déceptions de certains émigrants qui, fort surpris, apparemment, de ne pouvoir recueillir le riche héritage sur lequel ils comptaient à leur arrivée, sont repartis de suite, dégoûtés d’un pays aussi mesquin, aussi désobligeant… selon eux.

Encore une fois, c’est le travail qui, à Manitoba comme ailleurs, conquiert la fortune. Les richesses naturelles du sol