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On lui fit donc monter une des juments de sa charrue, et on le conduisit ainsi au roi.

Le monarque était dans la plus grande inquiétude sur l’état de sa fille. Le retour des deux messagers lui rendit l’espérance, et il les fit entrer aussitôt pour savoir quel était le succès de leurs recherches. Ceux-ci, après beaucoup d’éloges de l’homme merveilleux et bizarre qu’ils amenaient, racontèrent leur aventure. « Je n’ai jamais vu de médecin comme celui-là, dit le prince ; mais, au reste, puisqu’il aime le bâton et qu’il faut cela pour guérir ma fille, soit, qu’on le bâtonne. »

Il ordonna dans l’instant qu’on descendit la princesse, et faisant approcher le vilain : « Maître, lui dit-il, voici celle qu’il faut guérir. » Le pauvre diable se jeta à genoux en criant merci et jura par tous les saints du paradis qu’il ne savait pas un mot, pas un seul mot de médecine. Pour toute réponse, le monarque fit un signe, et à l’instant deux grands sergents qui étaient là tout prêts, armés de bâtons, firent pleuvoir sur ses épaules une grêle de coups. « Grâce, grâce, s’écria-t-il, je la guérirai, Sire, je la guérirai. »

La princesse était devant lui, pâle et mourante, et, la bouche ouverte, elle lui montrait du doigt le siège et la cause du mal. Il songeait en lui-même comment il pourrait s’y prendre pour opérer cette cure, car il voyait bien qu’il n’y avait plus à reculer et qu’il fallait en venir à bout ou périr sous le bâton. « Le mal n’est que dans le gosier, se disait-il : si je pouvais réussir à la faire rire, peut-être l’arête sortirait-elle. » Cette idée lui parut avoir quelque vraisemblance : il demanda donc au monarque qu’on allumât un grand feu dans la salle, et qu’on le laissât un instant seul avec la princesse.