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peine à trouver ses larrons, profite de leur éloignement. Il se déshabille tout nu, monte sur le chêne, se suspend d’une main dans l’attitude d’un pendu, puis quand il voit les voleurs revenus et occupés à souffler leur feu, d’une voix de tonnerre il s’écrie : « Malheureux ! vous finirez comme moi. »

Ceux-ci troublés croient voir et entendre leur père : ils ne songent qu’à se sauver. L’autre reprend à la hâte ses habits et son cochon, et revient triomphant conter à sa femme sa nouvelle victoire. Elle le félicite, en l’embrassant, sur un coup si hardi et si adroit. « Ne nous flattons pas trop encore, répondit-il. Les drôles ne sont pas loin, et tant que le cochon subsistera, j’aurai toujours peur. Mais fais chauffer de l’eau, nous le ferons cuire. S’ils reviennent, nous verrons alors comment ils s’y prendront. »

L’un alluma donc le feu, l’autre dépeça l’animal qu’il mit par morceaux dans le chaudron, et, chacun d’eux, pour y veiller, s’assit à un coin de la cheminée.

Mais Travers, que l’inquiétude et le travail de la nuit avaient beaucoup fatigué, ne tarda guère à s’assoupir. « Couche-toi, lui dit sa femme, j’aurai soin de la marmite : tout est bien fermé, il n’y a rien à craindre, et en tout cas, si j’entends du bruit, je t’appellerai. » D’après cette assurance, il se jeta tout habillé sur son lit, où il s’endormit aussitôt. La femme continua pendant quelque temps de veiller au chaudron, mais enfin le sommeil la gagna aussi et elle finit par s’endormir sur sa chaise.

Pendant ce temps, les larrons, remis de leur première frayeur, étaient revenus au chêne. N’y trouvant plus ni le pendu ni le cochon, il ne leur avait pas été difficile