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joué un tour ; mais laisse faire, tu vas voir si je sais réparer ma sottise."

En disant cela, il se dépouille, met sa chemise par-dessus ses habits, se fait une espèce de coiffe de femme, et dans cet accoutrement court à toutes jambes par un autre chemin à la maison de Travers, qu’il attend auprès de la porte. Quand il le voit arriver, il s’avance au-devant de lui comme si c’eût été sa femme, et lui demande, en contrefaisant sa voix, s’il a rattrapé le cochon. « Oui, je le tiens, répond le mari. Eh bien ! donne-le-moi, je vais le rentrer, et cours vite à l’étable, car j’y ai entendu du bruit et j’ai peur qu’ils ne l’aient forcée. » Travers lui charge l’animal sur ses épaules, et va faire une nouvelle ronde ; mais quand il rentre, il est fort étonné de trouver au lit sa femme qui pleurait et se mourait de peur. Il s’aperçoit alors qu’on l’a trompé de nouveau. Cependant il ne veut point en avoir le démenti ; et, comme si son honneur eût été intéressé à cette aventure, il jure de n’en sortir, d’une manière ou de l’autre, que victorieux.

Il se douta bien que les voleurs, ce voyage-ci, ne prendraient plus le même chemin, mais il soupçonna avec raison que la forêt étant pour eux le lieu le plus sur et le plus proche, ils s’y rendraient comme la première fois. En effet, ils y étaient déjà, et dans la joie et l’empressement qu’ils avaient de goûter le fruit de leur vol, ils venaient d’allumer du feu au pied d’un chêne pour faire quelques grillades. Le bois était vert et brûlait mal, de sorte qu’afin de le faire aller, il leur fallait ramasser de côté et d’autre des branches mortes et des feuilles sèches.

Travers qui, à la lueur du feu, n’avait pas eu de