Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sa ceinture lui manque et il devine sans peine que c’est là un tour de son frère. « Excellent voleur, dit-il, que celui qui en vole un autre. »

Pour Travers, il admirait également les deux héros, et il ne savait auquel des deux donner la palme. Mais aussi tant d’adresse l’humilia. Piqué de ne point se sentir, pour le moment, en état de jouter avec eux, il leur dit : « Mes amis, vous en savez trop pour moi. Vous échapperiez vingt fois de suite que je serais toujours pris. Je vois que je suis trop gauche pour faire quelque chose dans votre métier ; adieu, j’y renonce et je vais reprendre le mien. J’ai de bons bras, je travaillerai, je vivrai avec ma femme et j’espère, moyennant l’aide de Dieu, pouvoir me tirer de peine. » Il retourna en effet dans son village comme il l’avait annoncé. Sa femme l’aimait ; il devint homme de bien, et il travailla si heureusement qu’au bout de quelques mois il eut le moyen d’acheter un cochon. L’animal fut engraissé chez lui. Noël venu, il le fit tuer ; et l’ayant à l’ordinaire suspendu par les pieds centre la muraille, il partit pour aller aux champs ; mais c’eût été bien mieux fait à lui de le vendre. Il se serait épargné par là de grandes inquiétudes, comme je vais vous le raconter.

Les deux frères qui ne l’avaient point vu depuis le jour de leur séparation, vinrent dans ce moment lui faire visite. La femme était seule occupée à filer. Elle répondit que son mari venait de sortir et qu’il ne devait rentrer que le soir. Mais vous pensez bien qu’avec des yeux exercés à examiner tout, le cochon ne put guère leur échapper « Oh ! oh ! se dirent-ils en sortant, ce coquin veut se régaler et il ne nous a