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au haut d’un chêne fort élevé un nid de pie et il vit la mère y entrer. « Frère, dit-il à Barat, si quelqu’un te proposait d’aller enlever les œufs sous cette pie sans la faire envoler, que lui répondrais-tu ? — Je lui répondrais, repartit le cadet, qu’il demande une chose qui n’est pas faisable. — Eh bien ! sache, mon ami, que quand on ne se sent pas en état de l’exécuter, on n’est en filouterie qu’un butor ! Regarde-moi. » Aussitôt mon homme grimpe à l’arbre. Arrivé au nid, il l’ouvre doucement par-dessous, reçoit les œufs à mesure qu’ils coulent par l’ouverture, et les rapporte en faisant remarquer qu’il n’y en a pas un seul de cassé. « Ma foi, il faut l’avouer, tu es un fripon incomparable, s’écrie Barat ; et si tu pouvais maintenant aller remettre les œufs sous la mère comme tu les en as tirés, tu pourrais te dire notre maître à tous. »

Haimet accepte le défi et il remonte. Mais c’était là un piège que lui tendait son frère. Dès que celui-ci l’aperçoit à une certaine hauteur, il dit à Travers : " Tu viens de voir ce que sait faire Haimet, je veux maintenant te montrer un tour de ma façon." À l’instant, il monte à l’arbre après son aîné, il le suit de branche en branche ; et tandis que l’autre, les yeux fixés sur le nid, tout entier à son projet et attentif au moindre mouvement de l’oiseau pour ne pas l’effaroucher, semblait un serpent qui rampe et qui glisse, l’adroit coquin lui détache sa ceinture, et revient, portant en main ce gage de son triomphe. Haimet cependant avait remis les œufs, et il s’attendait au tribut d’éloges que méritait un pareil succès. « Bon, tu nous trompes, lui dit en plaisantant Barat, je gage que tu les as cachés dans ta ceinture. » L’aîné regarde, il voit que