Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Bongars effrayé n’eut garde d’insister davantage. Il fit tous les serments qu’on voulut, et son vainqueur aussitôt, le prenant par la main, le reconduisit à la porte de la ville, où il le mit en liberté. Mais qu’arriva-t-il ? c’est que peu d’instants après, Aucassin eut lieu de s’en repentir, son père ayant donné aussitôt l’ordre de l’arrêter et de l’enfermer dans la prison de la tour.

Nicolette était toujours dans la sienne étroitement gardée. Une nuit qu’elle ne pouvait dormir, la pauvrette aperçut la lune luire au firmament, et elle entendit le rossignol chanter au jardin, car on était dans cette douce saison où les jours sont longs et sereins et les nuits si belles. Alors il lui souvint d’Aucassin, son ami qui l’aimait tant, et du comte Garins qui la persécutait et qui voulait la faire mourir. La vieille surveillante dormait en ce moment. Nicolette crut l’occasion favorable pour s’échapper. Elle se leva sans bruit, mit sur ses épaules son manteau de soie, et, attachant au meneau de la fenêtre ses deux draps noués l’un au bout de l’autre, elle se laissa couler le long de cette espèce de corde et descendit ainsi dans le jardin. Ses pieds nus foulaient l’herbe humectée par la rosée, et les marguerites qu’ils écrasaient paraissaient noires auprès de sa peau. À la faveur de la lune, elle ouvrit la porte du jardin, mais, obligée de traverser la ville pour s’enfuir, elle arriva sans le savoir à la tour où était enfermé son doux ami.

Cette tour était vieille et antique, et fendue en quelques endroits par des crevasses. La fillette, en passant, crut entendre quelqu’un se plaindre. Elle approcha l’oreille d’une des ouvertures pour écouter,