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sans qu’il fût possible de le consoler ni de lui donner aucun soulagement.

Mais tandis qu’il se désolait pour l’absence de Nicolette sa mie, le comte Bongars, qui voulait terminer la guerre promptement, était venu avec sa troupe assaillir le château de Beaucaire. Les chevaliers et les écuyers de la ville avaient pris aussitôt les armes ; ils s’étaient rendus aux portes et sur les murs pour les défendre, et en même temps les bourgeois, montés aux créneaux, faisaient pleuvoir sur leurs ennemis des dards et des pieux aiguisés. Mais il manquait un chef pour animer et commander tous ces combattants.

Le comte Garins éperdu courut à la chambre de son fils. « Lâche que tu es ! que fais-tu là ? Veux-tu donc te voir dépouiller ? Si l’on prend ton château, que te restera-t-il… ? Mon cher fils ! monte à cheval, va défendre ton héritage et joindre tes vassaux. Quand même tu n’aurais pas le courage de combattre avec eux, ta seule présence augmentera le leur : elle suffira pour les faire vaincre. — Mon père, répondit le damoiseau, épargnez-vous ces remontrances inutiles. Je vous le répète : que Dieu me punisse tout à l’heure, si je vais dans les combats recevoir ou donner un seul coup, avant que vous ne m’ayez accordé Nicolette, ma douce amie, que j’aime tant. — Mon fils, reprit le comte, j’aime mieux tout perdre » ; et en disant ces mots, il sortit.

Aucassin courut après lui pour le rappeler : « Eh bien ! mon père, lui dit-il, acceptez une condition. Je vais prendre les armes et marcher au combat ; mais si Dieu me ramène sain et vainqueur, promettez-