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tr’eux ne sont instituteurs que par circonstance et la raison en est toute naturelle ; jusqu’ici on les a payés si peu ou si mal, que nul ne veut exercer cet état s’il n’y est contraint. Ceux qui se dévouent à l’enseignement par nécessité sont encore forcés par la même nécessité à courir sans cesse après un meilleur salaire ; et pour cela à changer sans cesse de municipalité. Les enfants changent de maître, changent de livres, et ils perdent un temps infini à se faire à la méthode nouvelle du nouveau maître ; je ne vois rien, vraiment, de plus préjudiciable à la cause générale de l’instruction publique ; je ne vois rien qui la déprécie plus aux yeux du peuple que cette transmigration (qu’on me passe le mot) des instituteurs « cherchant partout de quoi vivre et n’en trouvant presque nulle part ».

À cette époque reculée, qui fut témoin des débuts du système scolaire que nous possédons aujourd’hui, est-ce que la population avait déjà « été gâtée par la fausse doctrine » ? Cela me paraît difficile à soutenir.

Il n’y a pas à le nier : depuis nombre d’années, le peuple de la province de Québec manque d’énergie, de vigilance, de cœur, disons le mot. C’est à cette triple faiblesse que nous devons les maux qui affligent actuellement les bons catholiques.

Eh bien ! je voudrais un retour sérieux de l’esprit public vers l’école élémentaire, l’école du grand nombre, complément indispensable de la famille et véritable portique du temple dans un État chrétien ; je voudrais que ceux qui se consacrent au professorat laïque par vocation trouvassent les moyens de vivre honorablement dans leur état et ne fussent jamais tentés de chercher ailleurs une consolation aux ingratitudes qui, jusqu’ici, ont formé la part la plus considérable de leurs honoraires.