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le drapeau blanc eut été hissé. Et pour prouver qu’il était venu uniquement dans le but de protéger la population, il envoya au commandant garibaldien de Molise une dépêche dans laquelle il disait : « Publiez que je fais fusiller tous les paysans pris les armes à la main ; j’ai commencé aujourd’hui. »

Voyant que les troupes piémontaises envahissaient le territoire pontifical sur plusieurs points à la fois, Lamoricière concentra une partie de son armée près de Castelfidardo où il fut rejoint par le marquis de Pimodan, à la tête de 2,600 hommes. La petite armée pontificale comptait 5,600 ; celle de Cialdini 45,000. Il fallait livrer bataille sans délai pour ne pas être enveloppé.

Le 18 septembre 1860, à quatre heures du matin, les deux braves généraux et leurs soldats, s’étant préparés à la mort par la réception de la sainte Eucharistie, accourent au-devant d’une défaite certaine mais glorieuse. Les défenseurs du Saint-Siége se comportèrent en héros, surtout les troupes françaises et belges. Pimodan tomba sur le champ de bataille couvert de gloire[1]. Mais, écrasés par le nombre de leurs ennemis, les pontificaux durent battre en retraite. À la tête des débris de sa petite année, Lamoricière parvint à gagner Ancône qu’une escadre piémontaise bombardait déjà.

Mais que faisaient la France et l’Autriche pendant que ces iniquités s’accomplissaient ? Le duc de Gramont, ambassadeur à Rome, trompé lui-même, avait promis que l’empereur interviendrait si les troupes piémontaises pénétraient sur le territoire pontifical. Mais Napoléon n’était plus maître de ses actes ; il était l’esclave des sociétés secrètes auxquelles il s’était livré, et il resta spectateur indifférent du guet-apens de Castelfidardo. Quant au jeune empereur François-Joseph, n’écoutant que sa foi, il avait signé un ordre pour faire marcher ses troupes au secours du Saint-Siége, mais il oubliait qu’il n’était plus qu’un roi constitutionnel. Il dut consulter ses ministres, qui, sans

  1. On raconte, au sujet de la mort de ce martyr, une anecdote touchante. Dès qu’on connut ce qui s’était passé à Castelfidardo, une amie alla trouver la marquise de Pimodan. Elle la trouva occupée à écrire : « À qui écrivez-vous ? demanda-t-elle. — À mon mari. — N’écrivez point ; la lettre ne parviendra pas. — Et pourquoi, je vous prie ? — Il est prisonnier. — Prisonnier ? C’est impossible, je le connais trop bien : il est mort ! » La visiteuse avoua par son silence. La marquise, apprenant ainsi son veuvage, tomba à genoux, pleura et pria pour le défunt. Puis, tout à coup, se relevant et attirant avec passion contre son sein l’aîné des fils que lui laissait ce glorieux soldat. Elle le contempla un instant à travers ses larmes et s’écria : « Tu seras soldat. » (Villefranche.)