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cloches sonnent à toute volée, les canons grondent, la foule immense se presse autour du Saint-Père pour toucher ses habits et recevoir sa bénédiction ; la ville entière retentit des cris mille fois répétés : « Vive le Pape ! vive la religion ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Pie IX, rayonnant de joie et le visage baigné de larmes, tient sa main élevée pendant des heures pour bénir son peuple repentant. Le Pape entre dans la basilique de Saint-Pierre ; les fidèles veulent le suivre, mais ce temple, le plus vaste du monde, ne peut contenir qu’une faible partie de la foule. On chante le Te Deum et le doyen des cardinaux donne la bénédiction du Saint-Sacrement. Pendant trois soirs, la ville entière est illuminée.

Quelques jours après son entrée dans la ville éternelle, Pie IX exprima le désir de visiter les hôpitaux militaires. « Je veux m’entretenir, disait-il, avec les pauvres soldats qui se sont fait blesser pour moi. » Grand fut l’émoi dans les salles de l’hôpital Saint-André, que le Pape visita le premier. Les blessés, oubliant leurs douleurs, se jetaient au bas de leur lit et allaient embrasser les pieds du Saint-Père. On raconte qu’il y eut un blessé qui, dans sa précipitation, accourut au devant de l’auguste visiteur sans autre vêtement que sa chemise. Ceux qui ne pouvaient se lever cherchaient à se faire un peu de toilette. Pie IX s’arrêta à chaque lit, adressant aux blessés des paroles de consolation et les remerciant, au nom de l’Eglise, des sacrifices qu’ils avaient faits. Puis il distribua des objets de piété, des chapelets, des médailles, des croix. Il aurait voulu visiter le même jour un autre hôpital, mais au sortir de Saint-André il ne lui restait plus rien. « Vous m’avez ruiné, dit-il gaiement, je n’ai plus rien à porter à vos camarades, ce sera pour une autre fois. » Le factionnaire, n’ayant pu laisser son poste, n’avait rien reçu. En voyant passer Pie IX, il lui dit : « Pardon, mon Pape, j’ai une mère qui serait bien heureuse, elle aussi, d’avoir un chapelet.» « Je n’en ai plus, répondit Pie IX ; mais soyez tranquille, je vous en ferai apporter deux, un pour elle et un pour vous. » La plupart de ces braves soldats, ne connaissant d’autre étiquette que celle de l’armée, appelaient le Saint-Père « mon Pape,» comme ils auraient dit « mon général. » « Pour moi, disait un vieux sous-officier, j’ai peut-être manqué aux convenances, mais j’ai donné au Pape une solide poignée de main et il me l’a rendue.»