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SES ŒUVRES ET SES DOULEURS.

que Rossi, se défiant de la garde civique, a fait venir à Rome quelques jours auparavant pour contenir la populace. On croit un instant à une prompte délivrance. Mais ils viennent annoncer que les carabiniers eux-mêmes fraternisent avec le peuple et que de toute l’année pontificale, les Suisses seuls sont restés fidèles ; ils viennent prier le Pape de remettre le pouvoir au révolutionnaire Sterbini et ses amis. Les ambassadeurs laissent éclater leur indignation à la vue de tant de lâcheté, et le Pape répond avec dignité mais sans passion que subir les conditions que voulait lui imposer l’émeute serait abdiquer et qu’il n’a pas le droit d’abdiquer. Puis il congédie les traîtres. En apprenant le résultat de cette mission, la foule lâcha bride à sa fureur. On mit le feu à l’une des portes du Quirinal et l’on essaya de renverser la grille derrière laquelle étaient rangés les Suisses. Un de ces derniers tira sur les émeutiers. On n’attendait que ce signal pour donner l’assaut. Les balles pleuvent sur le palais et l’une d’elles tombe dans l’appartement où se trouve Pie IX et blesse mortellement Mgr Palma.

Pendant ce temps, la chambre, guidée par Charles Bonaparte, prince de Canino, achève la trahison commencée dans la rue. Un gouvernement provisoire, proclamé par on ne sait qui, envoie au Pape comme délégué M. Galetti, ancien ministre sous Mamiani. Le Judas est admis et passe près d’une heure seul avec le Saint-Père. Après son départ, Pie IX, toujours calme mais profondément attristé, annonce aux cardinaux et au corps diplomatique, qu’il vient de subir un ministère composé de MM. Sterbini, Galetti, Mamiani, Lunati et d’autres révolutionnaires moins connus. Messieurs, ajoute le Pape, en s’adressant aux ambassadeurs, je suis ici prisonnier. Sachez, et faites que l’Europe sache par vous, que je ne prends désormais aucune part au gouvernement, et que je veux y rester entièrement étranger. Je ne veux pas qu’on abuse de mon nom, et j’ai même défendu qu’on se serve des formules ordinaires en tête des décrets administratifs.”

Les nouveaux ministres se gardèrent bien de respecter l’injonction du Saint-Père. Les révolutionnaires s’abritaient encore derrière Pie IX et lui faisaient porter la responsabilité de leurs actes. On conseilla donc au Pape de quitter Rome, vu que sa présence dans la capitale pouvait égarer l’opinion et donner un semblant d’autorité aux révolutionnaires.

Mais où et comment fuir ? Le feu était en ce moment aux quatre coins de l’Europe et la garde civique, que le nouveau gouvernement avait mis à la place des Suisses, gardait le Pape à vue.