Page:Tardivel - Pour la patrie, 1895.djvu/59

Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
POUR LA PATRIE

Devenue la femme de Lamirande, Marguerite fut heureuse ; mais le souvenir de ce soir d’été, de ce pâle visage angoissé, entrevu à la lumière indécise du crépuscule, la poursuivait toujours et tempérait son bonheur d’une amertume salutaire.

Pour Hélène, elle avait lutté et prié ; et elle avait remporté la victoire que Dieu accorde toujours à ceux qui luttent et qui prient ; victoire qui ne supprime pas la souffrance mais qui la rend supportable en la sanctifiant. Personne, à part Marguerite, ne s’était jamais douté de la blessure, puis de la cicatrice qu’elle portait au cœur. La jeune fille enjouée était subitement devenue grave, sans mélancolie, voilà tout ce que le monde avait remarqué. Ses grands yeux ne riaient plus, mais ils avaient acquis une profondeur et une douceur infinies.


Les anges que Dieu donna à Lamirande ne firent que passer sur la terre pour s’envoler aussitôt au ciel ; tous, moins la petite Marie. Malgré le chagrin naturel que lui causa la perte de ses enfants, le jeune médecin s’inquiétait parfois de l’intensité de son bonheur