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POUR LA PATRIE

au bout de leur champ. À ceux-là l’heureuse médiocrité chantée par les poètes. Mais ceux qui, comme vous et moi, vivent de la vie intellectuelle, devraient être riches. L’homme qui travaille de la tête du matin au soir, qui pense pour ses semblables, qui leur fournit des idées, a besoin, pour se reposer, pour se retremper, d’un certain luxe matériel. Non seulement il en a besoin, il y a droit. Du reste, de nos jours, la richesse, c’est le pouvoir. Pour faire le bien, il faut être riche, absolument. Que voulez-vous qu’un pauvre diable, comme vous ou moi, fasse dans le monde moderne ? Si nous étions riches, quels ravages ne ferions-nous pas dans le camp ennemi !

En parlant ainsi Saint-Simon s’était exalté peu à peu. Il gesticulait avec violence. Lamirande le regardait avec pitié et terreur.

— Pauvre ami, dit-il, ce sont là de bien fausses idées qui vous sont venues je ne sais d’où. Pour les réfuter en détail il me faudrait plus de loisir que je n’en ai ce matin. D’ailleurs, vous devez sentir vous-même que ce sont de misérables sophismes ; car vous n’ignorez pas que les grandes choses, même dans l’ordre purement humain, n’ont guère été