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POUR LA PATRIE

taurant et se fit servir un repas. Ensuite il continua son chemin vers Longueuil. Il ne regardait pas derrière lui ; mais l’eût-il fait qu’il n’eût rien vu d’étrange : un homme qui marchait à quelques pas derrière lui, le visage à l’abri du vent, les yeux protégés contre l’éclat de la neige et de la lumière électrique.

Rendu rue Notre-Dame, Ducoudray prit un traîneau de place et donna ordre au cocher de traverser à Longueuil.

La nuit était belle et froide, une de ces nuits presque aussi claire que le jour, si fréquentes au Canada dans les mois d’hiver. La lune, qui avait éteint la plupart des étoiles, versait des flots de lumière argentée sur le « pont » de glace qui couvrait le fleuve géant. La neige reflétait cette lumière en y ajoutant un éclat particulier qui permettait de lire facilement, mais qui pouvait aussi fatiguer des yeux faibles. Ducoudray avait la vue forte et jouissait de cette splendide illumination. Dans un traîneau de place qui suivait le sien, à un arpent de distance, il y avait un homme qui ne pouvait pas endurer cet éblouissement.

Le plus profond silence régnait sur le fleuve, rompu seulement par le tintement des grelots