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POUR LA PATRIE

la statue. Mais le tentateur avait peut-être voulu lui tendre un piège en lui proposant un sacrifice qu’il avait accepté par orgueil plutôt que par amour de Dieu, afin de pouvoir se dire : voyez comme je suis fort, je puis renoncer à ce qui m’est le plus cher au monde !

Ensuite, un autre genre de doute survenait. Ce n’était plus le démon qui l’avait tenté et trompé. Il était bien convaincu que l’apparition était céleste ; mais qu’à cause de ses résistances, à cause de ses répugnances à accepter le sacrifice, il en avait perdu tout le mérite ; que la mort de sa femme serait inutile pour le pays. Humainement, tout était perdu. Dieu aurait sans doute fait un miracle pour tout sauver, puisqu’Il l’avait promis, mais c’était à la condition que l’épreuve fût courageusement acceptée. J’ai mal accueilli cette épreuve, se disait Lamirande, j’ai mal fait mon sacrifice. Dieu est donc dégagé de sa promesse. Ma femme est morte et mon pays va mourir !

Toutes ces pensées amères le jettent dans un profond abattement. Il ne peut se résoudre à ouvrir son cœur à Leverdier, lui parler du miracle. Il lui semble que son ami le blâmera comme il se blâme lui-même, doutera comme