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POUR LA PATRIE

Montarval, qui faisait surveiller tous les mouvements de sa victime, jugea que le moment était venu de faire un pas de plus. Rencontrant de nouveau Saint-Simon au club, il lui dit :

— Je n’aime pas tout à fait le ton de votre journal, et comme vous ne voudriez sans doute pas le changer, à cause de vos principes inflexibles, il serait peut-être mieux de rescinder notre marché avant qu’il soit trop tard.

Le journaliste bondit sous ces paroles méprisantes comme si un bras vigoureux lui eût singlé le visage d’un coup de fouet. Que n’aurait-il donné en ce moment pour être en état de jeter à la face de son corrupteur son or maudit ! Il eut un instant la pensée de rompre avec Montarval, d’emprunter de l’argent pour payer son billet ; ou s’il n’y réussissait, pas, de laisser son séducteur saisir son imprimerie et ses meubles. Il eut une violente aspiration vers la liberté et un profond dégoût pour l’ignoble esclavage où il se voyait descendre. Mais c’était un mouvement purement humain, sans vraie force, par conséquent. Les difficultés de sa position, les sacrifices qu’il lui faudrait faire, difficultés et sacrifices que le