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NOTES DE VOYAGE

en arrière, ce n’était qu’un amas confus et inextricable de cars, de gros camions, de voitures de charge et de place. Et, chose singulière, pas un cri ! Des charretiers et des cochers canadiens, placés dans une circonstance semblable, se seraient époumonés, tout simplement. Effet d’habitude et de caractère ; l’américain est avant tout utilitaire : lorsque crier ne peut servir de rien, il ne crie pas, voilà tout.

Le soir, je me rends aux bureaux du Freeman’s Journal, organe catholique important fondé par McMaster et dirigé longtemps par lui et par M. Maurice Francis Egan. Ce dernier, comme je l’ai annoncé naguère dans la Vérité, vient d’être nommé professeur de littérature anglaise à l’université Notre-Dame, de South Bend. Il est rendu à son poste et je n’ai pas le plaisir de le rencontrer, mais son remplaçant, M. A. Ford me donne des lettres d’introduction pour Mgr Croke, archevêque de Cashell et pour plusieurs députés irlandais.

Vers onze heures, je me rends à bord du Servia qui doit faire voile demain matin à 7 heures précises, afin de profiter de la marée pour traverser le bar, endroit peu profond à l’entrée de la Baie.


À bord du « Servia, » du 8 au 15 septembre.


Malgré tout le bruit et le va et vient qui ont dû régner toute la nuit sur le steamer en partance, j’ai dormi d’un sommeil de plomb. C’est notre concitoyen, M. T. Béland, de passage à New-York, qui vient me réveiller et me dire adieu, pour ainsi dire, en même temps ; car fidèle à son programme, à sept heures précises, l’immense bâtiment quitte lentement son quai et descend la baie vers la mer.

Me voici donc parti, vraiment et irrévocablement parti ! Plus moyen de reculer maintenant. J’ai bien mon billet de retour dans ma poche, mais pour pouvoir m’en servir il faut