Page:Tardivel - Mélanges, Tome I, 1887.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

29 avril 1882

Le Canada émet une singulière théorie constitutionnelle au sujet du droit de veto que possède la couronne et ses représentants. Cette théorie confirme ce que nous avons dit dans un récent article sur nos mœurs politiques comparées aux mœurs politiques des habitants de la République voisine. Nous avons soutenu que les Anglais et les Canadiens sont plus démagogiques, qu’ils reconnaissent moins l’unité du pouvoir que les Américains. Et pour prouver notre thèse, nous avons cité l’exemple du président Arthur qui a refusé de sanctionner le bill supprimant pendant vingt ans l’immigration chinoise, bien que ce bill eût été voté par les deux chambres à une forte majorité. Cet exercice du droit de veto n’a soulevé aucune tempête populaire aux États-Unis. Nous ajoutions qu’un semblable acte de la part de la reine d’Angleterre ou du gouverneur-général du Canada causerait une commotion extraordinaire et nous conduirait peut-être à la révolution. Depuis quarante ans, la démagogie a fait de si terribles ravages dans les pays soumis au régime anglais qu’aujourd’hui les droits de la couronne et du chef de l’État sont absolument détruits. Nous sommes régis par le parlementarisme pur, ce qui est la pire de toutes les formes de gouvernement.

Le Canada vient confirmer notre manière de voir. Sous le titre de Trop de zèle, il blâme ceux qui font des démarches auprès du gouverneur-général pour l’engager à opposer son veto au fameux bill de M. Girouard concernant le mariage entre beaux-frères et belles-sœurs. Notre confrère fait la déclaration de principes que voici :

L’exercice des prérogatives royales n’est plus de notre pays, terre d’Amérique. Aussi serions-nous peiné de voir se réaliser le sort dont est menacé le bill de M. Girouard.

Notre confrère admet que le bill de M. Girouard est inconstitutionnel, qu’il constitue un véritable empiètement de la part du parlement fédéral sur les droits