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On dit que la chambre des communes l’a aboli. Mais, pour être logique, il faudrait commencer par prouver que la chambre fédérale a eu raison de l’abolir. Il ne suffit pas de suivre les précédents aveuglément ; il faut voir si les précédents sont bons. Du reste, le parlement fédéral et les législatures locales ne sont pas dans la même position. À ces dernières est confiée, d’une manière toute spéciale, la sauvegarde des droits de la propriété. Ainsi, en supposant même que le parlement fédéral fût justifiable d’abolir le cens d’éligibilité, il ne s’en suivrait nullement que les législatures provinciales eussent le droit de le faire.

Les partisans de l’abolition du cens d’éligibilité prétendent que la loi actuelle gêne la liberté des électeurs, en restreignant leur choix à ceux qui possèdent des biens fonds, tandis qu’il peut se faire qu’un homme très pauvre soit tout à fait apte à remplir les fonctions de député.

D’abord, il faut une ligne de démarcation quelque part. Il faut certaines garanties. Si l’on admet le principe de ces messieurs, qu’il ne faut restreindre en aucune façon la liberté des électeurs, ne devrait-t-on pas également admettre que le peuple a le droit d’élire, comme députés, les jeunes gens de moins de vingt et un ans, les femmes et les étrangers ?

Dans la pratique, du reste, la loi actuelle ne présente aucun inconvénient. Un homme qui possède réellement les qualités voulues par le bon sens pour devenir député, trouve toujours la propriété foncière voulue par la loi. Personne ne prétendra, assurément, que nous sommes affligés, dans notre pays, d’une disette de candidats aux élections ! Nous en avons toujours, au contraire, une surabondance.

Il y a, chez nous, une tendance marquée vers la démagogie. Il importe de réagir contre cette tendance funeste. Après avoir aboli le cens d’éligibilité, on voudra abolir le cens électoral. Puis, nous aurons le suffrage universel !

Nous aurions plusieurs autres bonnes raisons à donner contre l’abolition du cens d’éligibilité, mais cet article est déjà trop long ; et nous croyons, d’ailleurs.