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CRITIQUE LITTÉRAIRES



« LE PÉLERIN DE SAINTE-ANNE »


11 juillet 1877[1]


Je viens de lire le roman de M. Lemay et je vais essayer d’en faire une critique impartiale.

Critiquer un livre, c’est l’apprécier, c’est en indiquer les beautés comme les défauts, c’est l’examiner froidement et sans parti pris, c’est enfin le juger, en s’appuyant sur les règles invariables du bon goût et du bon sens. La tâche du critique est plus difficile qu’on ne le croit. S’il se montre sévère, il passe pour un esprit étroit ; s’il loue beaucoup, on l’accuse de partialité ; dispense-t-il d’une main égale le blâme et la louange, de suite, il n’est pas sincère, il cherche à se concilier à la fois les censeurs et les admirateurs de l’ouvrage qu’il étudie. Pas plus que l’auteur, le critique ne saurait plaire à tout le monde ; mais il possède un grand avantage sur les poètes et les romanciers : ceux-ci sont obligés de plaire, lui n’est tenu que de dire la vérité.

*** Pour qu’un roman sois bon, il doit réunir trois qualités distinctes. Il faut d’abord qu’il soit moral, afin de ne pas porter atteinte aux bonnes mœurs. On ne demande pas au romancier de nous instruire, mais on lui pose comme condition rigoureuse de ne rien écrire qui soit de nature à gâter l’esprit ou le cœur. Il

  1. De 1877 à 1880 nous avons publié, dans le Canadien, plusieurs critiques littéraires que nous croyons devoir reproduire dans nos Mélanges. Nous en donnons quelques-unes ici, les autres paraîtront dans les volumes subséquents.