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OU RECUEIL D’ÉTUDES

À PROPOS DE TOLÉRANCE


3 décembre 1881


Depuis quelque temps, on parle beaucoup de tolérance religieuse. L’autre jour, le premier-ministre proclamait la tolérance religieuse comme devant être l’un des principaux articles de son programme. Voici maintenant qu’un journal conservateur, le Nord, nous entretient, à son tour, de la chose.

« S’il est certain, dit la feuille de Saint-Jérôme, que l’élément religieux doit présider à la grandeur de notre nationalité, il est aussi certain que la tolérance des catholiques envers toutes les croyances professées dans notre pays n’est pas moins nécessaire à la paix et à la tranquillité publiques. »

D’abord, nous ne voyons nullement l’à propos, pour des orateurs et des journalistes catholiques, de prêcher la tolérance à leurs coreligionnaires, comme si ces derniers en manquaient à chaque instant. La vérité vraie c’est que les catholiques de cette province sont bien plus sujets à pécher par la pusillanimité, par la faiblesse, par le respect humain, que par l’intolérance. Nous sommes bien plus portés à laisser les Anglais et les protestants empiéter sur nos droits et nous ravir nos libertés, qu’à tenter le moindre effort pour diminuer les privilèges dont jouit la minorité protestante en cette province.

Ces sermons sur la tolérance, à l’adresse des catholiques, sont mal placés. Nous dirons plus : ils sont anti-patriotiques, car ils sont de nature à faire croire, à l’étranger, que les catholiques de notre province manquent de prudence et de sagesse, qu’ils fournissent aux protestants le prétexte de s’irriter contre nous ; ce qui, comme chacun le sait, est tout à fait faux.

Mais il y a ici plus d’une question de convenance et d’opportunité ; il y a une question de doctrine.

En parlant de tolérance, il faut distinguer bien clairement entre la tolérance envers les personnes et la tolérance pour les idées.