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OU RECUEIL D’ÉTUDES

mer l’opinion, de la réformer quand il y a lieu ; non point de la suivre aveuglément.


LA PESTE


8 septembre 1881


Nous sommes menacés d’un terrible fléau. Les journaux de Montréal nous annoncent qu’un certain M. Claude, actuellement à Paris, organise une compagnie, une troupe, une bande — nous ne savons trop comment nommer cela — d’acteurs, en vue d’établir au Canada un théâtre français en permanence.

Les badauds vont se réjouir, sans doute, mais les pères et les mères de famille, à qui l’âme de leurs enfants est chère, seront profondément affligés d’apprendre cette triste nouvelle.

Nous espérons encore que notre pays n’est pas assez coupable pour mériter un tel châtiment. Nous avons des défauts, des faiblesses sans nombre ; beaucoup d’idées croches ont cours parmi nous, mais franchement nous ne croyons pas que notre peuple ait assez fait contre le bon Dieu pour s’attirer une pareille malédiction.

Nous espérons donc que le projet de M. Claude avortera misérablement, que les fonds demandés pour l’installation du théâtre manqueront.

Cependant, nous avons des craintes sérieuses. La presse de Montréal ne nous parait pas comprendre le danger. Elle manifeste des inquiétudes, à ce sujet, il est vrai, mais elle ne proteste pas avec énergie contre l’introduction de cette peste morale dans le pays, Sous prétexte qu’un théâtre en permanence sera moins mauvais que les troupes d’acteurs ambulants qui nous visitent de temps à autre, elle ne dénonce pas le projet de M. Claude à la vindicte des honnêtes gens.

Nos confrères se bercent de la vaine illusion qu’un « comité de censure » va tenir M. Claude dans les bor-