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OU RECUEIL D’ÉTUDES

Nous ne saurions mieux terminer cet article qu’en reproduisant la belle page suivante, écrite par A. F. Ozanam, le grand apôtre de la charité dans les temps modernes :


Nous croyons à deux sortes d’assistances dont l’une humilie les assistés et l’autre les honore. Ce n’est pas le gouvernement seul, ce sont tous les honnêtes gens voués par la religion ou par humanité au service des pauvres en des temps si difficiles, qui doivent choisir entre ces deux manières de secourir les hommes.

Oui, l’assistance humilie, quand elle prend l’homme par en bas, par les besoins terrestres seulement, quand elle ne prend garde qu’aux souffrances de la chair, au cri de la faim et du froid, à ce qui fait pitié, à ce qu’on assiste jusque chez les bêtes : car les Indiens ont des hôpitaux pour les chiens, et la loi anglaise ne permet pas de maltraiter impunément les chevaux. L’assistance humilie, si elle n’a rien de réciproque, si vous ne portez à vos frères qu’un morceau de pain, un vêtement, une poignée de paille que vous n’aurez probablement jamais à lui demander, si vous le mettez dans la douloureuse nécessité pour un cœur bien fait de recevoir sans rendre ; si, en nourrissant ceux qui souffrent, vous ne sembles occupé que d’étouffer des plaintes qui attristent le séjour d’une grande ville, ou de conjurer les périls qui en menacent le repos.

Mais l’assistance honore quand elle prend l’homme par en haut, quand elle s’occupe ; premièrement de son âme, de son éducation religieuse, morale, politique, de tout ce qui l’affranchit de ses passions, et d’une partie de ses besoins, de tout ce qui le rend libre, et de tout ce qui peut le rendre grand. L’assistance honore quand elle joint au pain qui nourrit, la visite qui console, le conseil qui éclaire, le serrement de main qui relève le courage abattu ; quand elle traite le pauvre avec respect, non-seulement comme un égal, mais comme un supérieur, puisqu’il souffre ce que peut-être nous ne souffririons pas, puisqu’il est parmi nous comme un envoyé de Dieu pour éprouver notre justice et notre charité et nous sauver par nos œuvres.

Alors l’assistance devient honorable parce qu’elle peut devenir mutuelle, parce que tout homme qui donne une parole, un avis, une consolation aujourd’hui, peut avoir besoin d’une parole, d’un avis, d’une consolation demain, parce que la main que vous serrez serre la vôtre à son tour, parce que cette famille indigente que vous aurez aimée vous aimera, et qu’elle se sera plus