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OU RECUEIL D’ÉTUDES

nobles, sur les institutions les plus respectables, sur les choses les plus saintes. Insinuations malveillantes, faits-divers perfides, correspondances mensongères, articles diffamatoires, voilà les armes redoutables que le journal met à la disposition des méchants. Les bons, il est vrai, peuvent et doivent se servir du journal pour défendre la vérité et le droit. Mais, encore une fois, le mal trouve, dans la presse, plus de ressources que le bien.

Le journaliste a une terrible responsabilité devant Dieu et les hommes. Il exerce un pouvoir presque sans bornes. Il parle, tous les jours, à des milliers de lecteurs dont il forme imperceptiblement l’esprit et le cœur.

Beaucoup se font illusion sur l’importance du rôle que joue la presse dans la société moderne. Un grand nombre croient sincèrement ne lire les journaux que par passe-temps, ou pour se renseigner sur les affaires commerciales, qui n’ont d’autres idées que celles qu’ils puisent dans quelque feuille de trottoir. Ils y cherchent les nouvelles, les renseignements, et ils y trouvent leurs opinions et leurs préjugés.

L’eau qui tombe goutte à goutte, finit par user la pierre la plus dure. Le journal, lu aujourd’hui, lu demain, lu tous les jours, réussit à graver son image dans l’esprit le plus paresseux.

Il est absolument faux de dire que tel journal n’a pas d’influence. Il n’y a pas de feuille périodique, si mal imprimée, si mal rédigée qu’elle soit, qui n’ait sa part d’influence pour le bien ou pour le mal, qui ne creuse son sillon dans le champ des intelligences.

La presse façonne les peuples à son image, surtout si elle est mauvaise. Le peuple le plus religieux du monde, le plus soumis à l’autorité, qui ne lirait que de mauvais journaux, deviendrait, au bout de trente ans, un peuple d’impies et de révoltés. Humainement parlant, il n’y a pas de prédication qui tienne contre la mauvaise presse. Que disons-nous, grand Dieu, les miracles mêmes n’y tiennent pas ! Ne croyez-vous pas que Lourdes, Salette et Paray le Monial auraient converti la France, sans les mauvais journaux ?