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magne cherche à proscrire la langue française de l’Alsace-Lorraine. Il est donc important pour un peuple, surtout pour un peuple conquis, de conserver sa langue.

On m’objectera sans doute que la langue française n’est nullement exposée à s’éteindre parmi nous. Elle n’est peut-être pas exposée à disparaître complètement, mais elle pourrait bien subir des modifications assez profondes pour la rendre méconnaissable. Il est possible, si nous n’y prenons garde, qu’avec le temps la langue de la province de Québec devienne un véritable patois qui n’aurait de français que le nom, un jargon qu’il vaudrait mieux abandonner dans l’impossibilité où l’on serait de le réformer. Nous sommes loin, il est vrai, d’un aussi déplorable état de choses, et fasse le ciel qu’il n’arrive jamais. Mais bien aveugle est celui qui ne voit pas que l’éclat de la langue se ternit chez nous, que nous parlons et écrivons moins bien qu’autrefois.

On me dira que les langues meurent nécessairement, fatalement ; que l’hébreu, le grec et le latin sont morts ; que le français s’altère, même en France, et qu’il cessera enfin d’être une langue vivante. Cela est possible. Nous ne pouvons pas arrêter le cours naturel des événements. Mais s’il faut, dans la suite des temps, que la langue française disparaisse, ayons à cœur de faire enregistrer par l’histoire cette parole : « Ce fut au Canada où la langue française disparut en dernier lieu. »

Le principal danger auquel notre langue est exposée provient de notre contact avec les Anglais. Je ne fais pas allusion à la manie qu’ont certains Canadiens de parler l’anglais à tout propos et hors de