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chaque individu, tour à tour, parle et écoute, espère et craint, différencie et assimile, analyse et synthétise, commande et obéit, produit et consomme, vend et acheté, est créancier et débiteur, demandeur et défendeur, artiste et critique, etc. Tout ce qu’il opère est périodique : périodes ses phrases ; périodes ses rites religieux ; périodes ses procès dont les phases se déroulent comme les divers actes d’une tragédie ; périodes ses œuvres d’art, qui ont tous, comme une onde, un ventre et un nœud[1], un imbroglio et un dénouement, même ses œuvres musicales et plastiques où l’on peut fort bien discerner le soulèvement puis l’apaisement d’une surprise, d’un intérêt, d’une question posée d’abord puis résolue ; périodes ses événements politiques, qui sont aussi des questions suivies de réponses, des réponses suivies de nouvelles questions ; périodes toutes ses productions industriel les qui consistent en actions inverses et alternatives, à faire et à défaire, à défaire et à refaire. J’ai remarqué ailleurs que le travail est essentiellement imitation, c’est-à-dire répétition sociale, mais il est également vrai de dire que le travail est rythme, opposition périodique.

Pour revenir au monde physique, est-ce que les contraires simultanés qu’on y découvre n’y recouvriraient pas aussi et n’y dissimuleraient pas des contraires successifs ? C’est possible, et c’est ce qu’on suppose quand on essaie d’expliquer l’attraction par des ondulations éthérées (espérance, il est vrai, jusqu’ici décevante) ou les polarités magnétiques et électriques

  1. Remarquons que ce qu’on appelle le nœud dans uoe œuvre dramatique est précisément l’opposé du nœud des ondes sonores, qui correspond au dénouement plutôt.