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dualité des sexes. La femme serait l’être anabolique et l’homme l’être catabolique par exemple. Mais cette conception de la sexualité, qui tend à représenter l’union des sexes comme une opposition et non comme une adaptation de deux êtres simplement différents à leur fin commune, à savoir le renouvellement continuel de l’espèce, me paraît être la dernière forme revêtue en physiologie par l’esprit dualistique et manichéen dont les savants sont possédés comme les philosophes. En réalité, conçoit-on un être qui, des ses débuts, aurait toujours été plus destructeur que constructeur de lui-même, qui aurait toujours plus perdu que gagné ? Et conçoit-on mieux un être qui, jusqu’à sa mort, serait demeuré plus constructeur que destructeur de sa propre substance ? La vérité est qu’en chaque être, l’anabolisme et le catabolisme, le gain et la perte sont alternatifs et prédominent tour à tour dans la phase ascendante et dans la phase déclinante de la vie. Appliquée aux états successifs des êtres, la distinction est juste ; appliquée aux êtres eux-mêmes, elle me paraît, je l’avoue, inconcevable.

Entrons dans le détail des organismes et des sociétés, et partout nous verrons les superficielles ou apparentes oppositions simultanées présentées par les faits de masse se résoudre en réelles et profondes oppositions rythmiques qui se déroulent dans le sein des cellules ou des organes, des consciences individuelles ou des groupes élémentaires. Qu’est-ce qui soutient, qu’est-ce qui constitue l’équilibre général des fonctions de la vie, exprimé par la symétrie rayonnante ou bilatérale des formes de l’être vivant ? Des changements périodiques, oxydations suivies de désoxydations, contractions