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d’ambition universelle inhérente à chaque réalité et qui la pousse non seulement à persévérer dans son être mais à répandre son être au dehors, à le diversifier en le répétant et le multipliant, et à l’employer en le déployant. C’est métaphysique, soit ; mais quel est le savant qui a pu trouver autre chose ici que des raisons métaphysiques ? Je n’en sais pas de plus profond ni de plus précis, de plus ingénieux à la fois et de plus circonspect que Cournot. Cependant, après plusieurs pages substantielles sur la loi qui nous occupe (Traité de l’enchaînement des idées fondamentales, t. I, n˚ 110), voici sa conclusion : « Toutes les fois que le principe de l’égalité entre l’action et la réaction n’est pas un simple corollaire des lois de la communication des mouvements ou la suite d’une symétrie évidente, ce ne peut être pour nous qu’un principe d’induction fonde sur une observation constante, et dont la raison profonde, qui tient à l’essence même des choses, nous échappe absolument ». Il ne pense pas que l’attraction réciproque, égale et contraire, du fer par l’aimant et de l’aimant par le fer, soit une conséquence des lois générales du mouvement, et il ne verrait rien d’inconcevable, dit-il, à ce que l’aimant attirât le fer sans en être attiré ; mais, ajoute-t-il, on s’explique, par une raison de symétrie, l’attraction réciproque des corps célestes. Vraiment, pour qu’un si éminent logicien se soit paye d’une explication si chimérique, il faut que le sujet ne soit pas clair. Et je me doute que ce grand esprit un peu timide, peu habitué à dire toute sa pensée, soupçonnait ici quelque vérité dont cette Mécanique supérieure que rêvait Leibniz, et qu’il rêvait lui-même, autrement dit une Logique cachée, peut seule donner la clé.