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tiède qui l’attiédirait en retour. Mais on voit aussi que l’idée du choc alors, loin d’éveiller celle de lutte, de neutralisation réciproque des mouvements, des convictions ou des volontés, serait plutôt synonyme d’accord et d’harmonie, — je ne dis pas d’équilibre, — puisqu’il aurait pour résultat l’égalisation graduelle des vitesses, des croyances et des désirs. Toute lutte étant supprimée, il y aurait pourtant des actes encore, des puissances, des phénomènes dynamiques sans nulle opposition dynamique. L’idée de combat, l’opposition du faire et du défaire, n’est donc pas inséparable de l’idée de force ; et, pour que le combat soit possible aux forces, il est nécessaire d’abord que la constitution de l’espace et de l’esprit s’y prête.

Quoi qu’il en soit, remarquons maintenant que toutes les oppositions dynamiques de nature objective se ramènent, en somme, à deux mouvements dirigés en sens inverse sur une même ligne droite ou sur l’élément rectiligne infinitésimal d’une courbe ; et que toutes les oppositions dynamiques de nature subjective se ramènent à ces deux espèces : la force de nier opposée à la force d’affirmer, et la force de repousser opposée à la force de désirer[1]. Si nous ne discernons qu’un seul type fondamental d’opposition objective tandis que nous en distinguons deux types d’opposition subjective, c’est sans doute parce que nous ne pénétrons pas dans le for intérieur du monde physique, et peut-être, si nous en avions une connaissance plus profonde, verrions-nous que la prétention de résoudre la matière en mouvements, de réduire à l’unité la

  1. Voir dans nos Essais et Mélanges (1895) l’étude intitulée la Croyance et le Désir.