et contraires l’un à l’autre. Pas tout à fait cependant, car il faudrait pour cela que la co-adaptation des complémentaires consistât à s’entre-produire. Et il est singulier, soit dit en passant, que notre esprit répugne à concevoir la mutuelle production des choses, tandis qu’il ne voit nulle difficulté à admettre leur mutuelle destruction. Rien ne lui paraît plus intelligible que le mutuel arrêt de deux mouvements en sens contraires qui se heurtent, tandis qu’il se refuse encore, deux siècles après Newton, à regarder les mouvements de deux molécules qui s’attirent comme produits l’un par l’autre à distance. On ne voit pourtant pas de raison a priori pour justifier cette différence d’attitude de notre esprit. — Quoi qu’il en soit, complément et contrariété peuvent être conçus comme contraires l’un à l’autre, et aussi bien comme compléments l’un de l’autre, ainsi que le montre l’exemple choisi. Et, à ce dernier point de vue, il importe de remarquer que, par un important effet qui leur est commun, leurs rôles s’accordent. Le rôle de l’opposition est de neutraliser, le rôle de l’adaptation est de saturer ; mais l’une en neutralisant, l’autre en saturant, sont pareillement délivrantes et diversifiantes. Car, saturé ou arrêté par elles, l’être, molécule ou cellule, est momentanément affranchi de cet état de détermination étroite et fixe qui constitue le besoin ou l’action ; il est momentanément rendu à cette virtualité infinie, indéterminée, qui est le fond de sa nature, et d’où il ne tardera pas à sortir de nouveau mais par un nouveau chemin. Son âme est redevenue disponible et vraiment libre pour un instant jusqu’à ce qu’elle se spécialise et se rejette dans la mêlée des forces qui se combattent ou s’accouplent. Aimer et guerroyer,
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