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« La libre association des pensées individuelles permettra leur groupement toujours provisoire en des croyances variées et variables, qu’elles regarderont elles-mêmes comme l’expression hypothétique et en tout cas inadéquate de la vérité. » C’est l’idéal de la liberté métaphysique ; mais allez donc appuyer des maximes de sacrifice moral sur ce terrain mouvant ! D’ailleurs, il est inévitable qu’en se groupant les hypothèses se feront croyances, puis convictions, et s’opposeront à des groupements de convictions contradictoires. Or l’antagonisme des écoles philosophiques, quand il n’est plus contenu par la peur de quelque religion, leur ennemie commune, — leur mère commune le plus souvent, — n’est pas bien loin d’atteindre le degré d’intolérance où s’élève le fanatisme religieux. — Il en sera de l’association des libres volontés comme de l’association des libres intelligences, et, quand les buts collectifs se sentiront incompatibles les uns avec les autres, l’avenir pourra voir des guerres de syndicats comme le passé a vu des guerres de peuplades et de cités. Si la multiplication des contacts entre hommes, effet de la civilisation, déploie les germes de sympathie latente qu’ils recèlent au fond de leur cœur les uns à l’égard des autres, elle fait éclore aussi les germes d’antipathie cachée. Je sais que, finalement, ceux-ci doivent être étouffés par ceux-là, ou du moins je l’espère ; mais à la condition que les périodes de paix aillent en se prolongeant et permettent aux échanges sympathiques d’exemples de se répandre. Il en serait autrement si les causes de guerre allaient se multipliant. Et la question est précisément de savoir si la paix sociale peut être longtemps maintenue autrement que par l’obéissance