mieux ? L’accroissement des salaires, s’il est général, ne pourra être accompagné ou suivi que d’une augmentation de travail pour répondre aux besoins nouveaux qu’il aura fait naître en permettant de les satisfaire. Mais l’augmentation des travaux, c’est la diminution des loisirs, des occupations extra-professionnelles. Or c’est la vie professionnelle, concours et concurrence des efforts, emploi et conflit des volontés, qui, en somme, nous divise le plus. Et c’est à la prépondérance croissante de la vie esthétique, fille des loisirs, qu’il faut viser si l’on cherche sérieusement la paix sociale. Elle seule, parmi ces chocs et ces accords d’égoïsme, fait entendre le concert de sensibilités ou d’activités nuancées, différenciées à l’infini, qui, si elles peuvent bien s’être sympathiques ou antipathiques, donnent lieu à une solidarité et à une hostilité de tout autre nature, l’une et l’autre désintéressées, à une attraction de génies divers et à une émulation de talents semblables, le tout pour le plus grand charme de l’existence. Cette forme esthétique de la lutte est la plus haute et la dernière des transformations de la guerre.
En résume, la lutte des forces, dans le domaine social pas plus qu’ailleurs, ne nous apparaît comme le procède principal du progrès. Sous sa forme la plus aiguë et la plus formidable, la guerre, comme sous sa forme infiniment moins âpre et moins dangereuse, la concurrence, elle n’a été qu’un agent subordonné et médiateur de la logique sociale, et a bénéficié injustement des réels services rendus par l’invention, cette forme sociale de l’adaptation, et par l’imitation, cette forme sociale de la répétition universelle, qui elles-mêmes ont travaillé