y aurait eu des rois prêtres, et cela eût mieux valu, surtout si le prêtre, faute de guerres, n’eût pas été sacrificateur. Car, c’est la guerre qui a barbouillé de sang les dieux, en imaginant la barbarie de sacrifices humains d’abord, animaux ensuite. Voyez les Grecs : est-il permis de dire que, sans leurs interminables tueries, restés purement religieux par hypothèse, ils ne seraient jamais arrives à s’unifier en quelque vaste corps social égal à l’empire d’Alexandre ? Mais de tout temps, c’est la guerre qui les sépare, c’est la religion, qui, en dépit d’elle, dans les armistices, les unit autour de quelques jeux sacrés, occasion d’un vaste marché, d’une vaste exposition périodique ou le commerce, l’industrie, l’art se déploient. Ainsi, il y a lieu de penser que l’homme, pour se civiliser, eût pu se développer dans le sens religieux seulement, et que, dans ce cas, la religion, démilitarisée, eût été infiniment meilleure. La religion, après tout, est plus essentielle à l’homme que la guerre : on a vu, on voit encore, de très grands peuples non belliqueux, on n’en voit pas de non religieux. On pourra en voir d’irréligieux, ce qui est tout autre chose.
Il faut reconnaître que, sans la guerre, la distinction des nations serait moins tranchée, leur fossé moins profond, leur patriotisme moins âpre, moins fier, moins insociable. Peut-être bien, si les États n’avaient jamais guerroyé, la métaphore de l’organisme social, ou, plus généralement, la notion ontologique de la société sous une forme quelconque, n’aurait jamais pu s’exprimer. La vie de régiment, en effet, et de combat a seule pu faire considérer le groupe social, conçu à son image, comme un tout plus réel, plus personnel, que ses