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conflits sanglants et sans fin ? Sans atteindre ce degré d’incohérence, la vie d’une nation, si l’on se borne à personnifier la Nation, est elle-même une suite, sinon un faisceau, de contradictions. Cette « douce France » pour laquelle tant de héros sont morts, et morts avec amour, cette France si vivante au cœur de ses enfants, qu’est-elle autre chose elle-même qu’une succession de révolutions contradictoires, quand ce n’est pas une mêlée de partis qui s’entre-déchirent ?


XIII

Et, par paresse, par lâcheté d’esprit, on se laisse aller à croire ces discordes nécessaires, ces horreurs salutaires ! Je cherche à me garantir contre l’étrange séduction de cette idée, qui s’explique peut-être par cette passion pour l’idée de liberté dont notre siècle a donné le spectacle. Entre liberté et concurrence, entre liberté et combat, une association en apparence indissoluble s’est formée. Mais on doit la rompre. Liberté signifie essentiellement non pas lutte, mais diversité, originalité, caractère. Et, c’est dans les voies de la paix et de l’association, non sur les champs de bataille, que les originalités s’accentuent, que les aptitudes spéciales, caractérisées, s’utilisent et se développent réciproquement. La guerre les fauche. Laissons la Nature tranquille et cessons de nous demander si elle ne s’est pas égarée parfois dans son évolution tâtonnante ; mais nous pouvons dire au moins que l’humanité naissante s’est trouvée dans un carrefour, qu’elle avait à opter entre deux chemins de développement et qu’il n’est pas